Une rue.
PIERRE et THOMAS STROZZI, sortant de prison.
Pierre.
J’étais bien sûr que les Huit me renverraient absous, et toi aussi. Viens, frappons à notre porte, et allons embrasser notre père. Cela est singulier ; les volets sont fermés !
Le portier, ouvrant.
Hélas ! seigneur, vous savez les nouvelles.
Pierre.
Quelles nouvelles ? Tu as l’air d’un spectre qui sort d’un tombeau, à la porte de ce palais désert.
Le portier.
Est-il possible que vous ne sachiez rien ?
Deux moines arrivent.
Thomas.
Et que pourrions-nous savoir ? Nous sortons de prison. Parle ; qu’est-il arrivé ?
Le portier.
Hélas ! mes pauvres seigneurs, cela est horrible à dire.
Les moines, s’approchant.
Est-ce ici le palais des Strozzi ?
Le portier.
Oui ; que demandez-vous ?
Les moines.
Nous venons chercher le corps de Louise Strozzi. Voilà l’autorisation de Philippe, afin que vous nous laissiez l’emporter.
Pierre.
Comment dites-vous ? Quel corps demandez-vous ?
Les moines.
Éloignez-vous, mon enfant, vous portez sur votre visage la ressemblance de Philippe ; il n’y a rien de bon à apprendre ici pour vous.
Thomas.
Comment ? elle est morte ! morte, ô Dieu du ciel !
Il s’assoit à l’écart.
Pierre.
Je suis plus ferme que vous ne pensez. Qui a tué ma sœur ? car on ne meurt pas à son âge, dans l’espace d’une nuit, sans une cause surnaturelle. Qui l’a tuée, que je le tue ? Répondez-moi, ou vous êtes mort vous-même.
Le portier.
Hélas ! hélas ! qui peut le dire ? Personne n’en sait rien.
Pierre.
Où est mon père ? Viens, Thomas ; point de larmes. Par le ciel ! mon cœur se serre comme s’il allait s’ossifier dans mes entrailles, et rester un rocher pour l’éternité.
Les moines.
Si vous êtes le fils de Philippe, venez avec nous, nous vous conduirons à lui ; il est depuis hier à notre couvent.
Pierre.
Et je ne saurai pas qui a tué ma sœur ! Écoutez-moi, prêtres ; si vous êtes l’image de Dieu, vous pouvez recevoir un serment. Par tout ce qu’il y a d’instruments de supplice sous le ciel, par les tortures de l’enfer… Non ; je ne veux pas dire un mot. Dépêchons-nous, que je voie mon père. Ô Dieu ! ô Dieu ! faites que ce que je soupçonne soit la vérité, afin que je les broie sous mes pieds comme des grains de sable. Venez, venez, avant que je perde la force ; ne me dites pas un mot : il s’agit là d’une vengeance, voyez-vous ! telle que la colère céleste n’en a pas rêvé.
Ils sortent.
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